En 1776, après plusieurs années passées à St-Domingue, l’Yverdonnois David-Philippe de Treytorrens revient dans sa ville natale avec deux domestiques noirs, Pauline Buisson et François Midal. En 1790, Pauline Buisson donne naissance à un fils, Samuel Hippolyte.

Les Archives de la Ville d’Yverdon-les-Bains conservent le dossier relatif à la procédure qui a opposé entre 1826 et 1835 la Municipalité à Henri de Treytorrens, neveu de David-Philippe, au sujet de l’achat d’une bourgeoisie en faveur de Samuel Hippolyte Buisson. Ce dossier est considéré par beaucoup comme exceptionnel car rares sont les documents d’époque retraçant le destin d’esclaves ramenés en Europe des colonies. C’est pourquoi la Ville d’Yverdon-les-Bains le publie in extenso afin d’en faciliter l’accès aux chercheurs et à toute personne intéressée par la thématique de l’esclavage et la question noire.

Le dossier en question, classé sous la cote R 90, est constitué des pièces produites et reçues par la Municipalité d’Yverdon entre 1823 et 1832 dans le cadre de cette procédure ; il contient 32 documents, en feuillets et cahiers, datés de 1791 à 1832.

A l’origine du litige, l’engagement écrit (1791) de Marie et Madeleine de Treytorrens, veuve et sœur de David-Philippe de Treytorrens, de procurer une bourgeoisie à Samuel Hippolyte Buisson, né hors mariage en 1790. Le refus des autorités bernoises d’accorder la naturalisation à Samuel Hippolyte, puis les changements politiques et administratifs, suivis des décès de Marie et Madeleine de Treytorrens ont fait que l’engagement n’a pas été tenu. Pendant la vingtaine d’années où Samuel Hippolyte Buisson ne vivait plus à Yverdon, cette situation n’a préoccupé ni les autorités communales ni Henri de Treytorrens, héritier de Marie et Madeleine.

En 1823, le retour de Samuel Hippolyte dans sa ville natale fait ressurgir la question de sa bourgeoisie. Faute d’accord, l’affaire est portée devant les tribunaux et se poursuit au-delà du décès du principal intéressé.

Vous trouverez ci-dessous le dossier d’archives relatif à la procédure judiciaire, la chronologie des événements ainsi qu’une bibliographie.

Procédure Treytorrens

Chronologie

1776 David-Philippe de Treytorrens, bourgeois d’Yverdon,revient à Yverdon, accompagné de son épouse, Marie Le Tort  (Letort) et de deux domestiques, Pauline Buisson et François Mida, originaires de Saint-Domingue où il avait exercé son activité au service de la Cie des Indes. A son retour il fait reconstruire la maison de maître appartenant à la famille, aujourd’hui Villa d’Entremonts.
1788, 27 août Décès de David-Philippe de Treytorrens
1790, 13 octobre Pauline Buisson donne naissance à un fils, Samuel Hippolyte, hors mariage.
1791, 17 février Décès de Jean Rodolphe de Treytorrens, frère aîné de David-Philippe
1791, 5 avril Marie de Treytorrens, née Le Tort et Madeleine de Treytorrens (respectivement veuve et sœur de David Philippe de Treytorrens) s’engagent par écrit à prendre soin de Samuel Hippolyte, à lui donner une éducation et à lui acheter une bourgeoisie si les autorités bernoises lui accordent la naturalisation.
1791, 17 mai Les autorités bernoises refusent la naturalisation à Samuel Hippolyte
1791-1798 Echanges réguliers entre les autorités yverdonnoises et mesdames de Treytorrens.
1797, 20 décembre Décès de François Mida
1801 Décès de Madeleine de Treytorrens
1802, 20 août Décès de Marie de Treytorrens, née Le Tort
1802 Samuel Hippolyte est en apprentissage à Mathod où il apprend le métier de cordonnier.
1804 La Justice de paix désigne un tuteur pour Samuel Hippolyte : Deluche.
1811-1822 Samuel Hippolyte exerce son métier de cordonnier en France
1823 Retour de Samuel Hippolyte à Yverdon
1823, 18 avril Henri de Treytorrens, neveu et héritier de Marie de Treytorrens (Le Tort) et Madeleine de Treytorrens demande à la Municipalité d’accorder la bourgeoisie à Samuel Hippolyte. Refus.
1823, 18 juillet Samuel Hippolyte demande à la Municipalité de lui accorder la bourgeoisie. Refus.
1823, 22 octobre Le Conseil d’Etat rend la Municipalité responsable de la tolérance de la ville envers Samuel Hippolyte et considère que l’affaire doit être réglée entre la Municipalité et Henri de Treytorrens.
1824, 17 janvier La Municipalité demande à Henri de Treytorrens d’acheter une bourgeoisie à Samuel Hippolyte.
1824, 23 avril Refus d’Henri de Treytorrens.
1825, 1er février Début de la procédure judiciaire.
1826, 10 février Décès de Pauline Buisson
1826, 18 mai Echec d’une séance de conciliation devant la Justice de paix.
1826, 20 juin Demande pour la Municipalité d’Yverdon contre Monsieur Henri de Treytorrens, de l’avocat Mangard
1826, septembre Procédé d’Henri de Treytorrens, de l’avocat Warnery (ou Varney)
1826, 1er novembre Réplique de la Municipalité contre de Treytorrens, de l’avocat Mangard
1826, 9 novembre Duplique pour Monsieur Henry de Treytorrens contre la Municipalité
1827, 23 mars Le Tribunal de 1ère instance condamne la Ville. Recours de la Municipalité.
1827, 22 juin Le Tribunal d’appel admet la position de la Municipalité et met les frais de la cause à la charge d’Henri de Treytorrens.
1828, 16 mai La Municipalité exige d’Henri de Treytorrens qu’il procure une bourgeoisie d’ici au 22 juin.
1828, juillet à novembre Henri de Treytorrens et la Municipalité négocient un arrangement : contre le dépôt d’une taxe de sûreté de séjour de 1'800 livres, la Municipalité accorde un délai pour l’achat de la bourgeoisie. Le dépôt sera restitué si Samuel Hippolyte reçoit une bourgeoisie.
1829 à 1832 Henri de Treytorrens fait des démarches auprès des communes de Naz et de Morges, sans succès.
1832, 16 octobre Décès de Samuel Hippolyte Buisson.
1832, 24 décembre La Municipalité refuse de restituer les 1'800 livres puisque Samuel Hippolyte est décédé sans bourgeoisie.
1833 à 1835 Négociations entre la Municipalité et Henri de Treytorrens pour la restitution d’une partie du dépôt. Finalement, la Municipalité restituera 600 livres.

Bibliographie

  • Léon Michaud : Les Treytorrens et la Négresse, dans Yverdon à travers son passé, Yverdon, Société du Journal d’Yverdon, 1969 et 1994, pp. 66 à 71.
  • Récit fondé surtout sur les mentions de l’affaire dans les registres des Conseils de la Ville, puis de la Municipalité.
  • Thomas David, Bouda Etemad, Janick Marina Schaufelbuehl : La Suisse et l’esclavage des Noirs, Lausanne, Editions Antipodes, 2005, 183 p.
  • Sur l’affaire de Treytorrens : pp. 100 à 104.
  • Daniel de Raemy : L’ancienne campagne des Bains ou villa d’Entremonts à Yverdon (XVIII-XIXe siècles). Un hommage au général humaniste Frédéric Haldimand, dans Monuments vaudois, 8, 2018, pp. 53-75.
  • Caroline Arni : Pauline Buisson, In diesem Land der Freiheit, dans Lauter Frauen, Zwölf historische Porträts, Basel, Echtzeit Verlag, 2021, 192 p.
  • Simon Petite : Pauline Buisson, les mystères de la négresse d’Yverdon, dans Le Temps, 5 janvier 2021, p. 2
    (2e article d’une série de 5 consacré à la Suisse coloniale publiés du 4 au 8 janvier 2021)
  • Gilles Simond : Un Yverdonnois revient des colonies avec ses esclaves, dans 24 Heures, 20-21 janvier 2024, pp. 22-23.

Sources

Archives

  • Archives de la Ville d’Yverdon-les-Bains (AVY) :
    • R 90 : Procédure Treytorrens, 1791-1833
    • Aa : Registres des délibérations des Conseils
    • Ab : Registres des délibérations de la Municipalité
  • Archives cantonales vaudoises (ACV) :

Sources imprimées

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