Ce 12 septembre nous fêtons les 175 ans de la première constitution que le peuple suisse s’est donnée et la naissance de l’Etat fédéral. Pour honorer cette date-clé de notre histoire, l’Hôtel de Ville d’Yverdon-les-Bains est pavoisé du drapeau suisse, aux côtés de la bannière communale et du drapeau ukrainien.
Pour mieux comprendre ce qui s’est joué en 1848 en Suisse et à Yverdon en particulier, nous publions un extrait du discours du 1er août 2023, prononcé par le Municipal Christian Weiler, chargé cette année de s’exprimer au nom de la Municipalité :
« (…) Cette année nous célébrons un autre jalon de notre histoire, la création de la Suisse moderne via la constitution fédérale du 12 septembre 1848, qui nous a donné l’organisation et les institutions avec lesquelles, 175 ans plus tard, nous vivons encore.
Nous allons donc replonger quelques instants dans cette année 1848, qui est signalée dans les livres d’histoire comme celle du « printemps des peuples ».
Un peu partout en Europe, les peuples aspirent à plus de libertés face à des régimes réactionnaires mis en place après le Congrès de Vienne de 1815 qui solda la période révolutionnaire et l’épopée napoléonienne.
La Suisse n’échappe pas à ses tensions entre aspirations démocratiques et pouvoir en mains des élites aristocratiques.
Dans le canton de Vaud, on a même un peu d’avance : la révolution radicale date de 1845 déjà. Elle a fait apparaître un fossé villes-campagnes. Yverdon, gouvernée par une élite libérale, fait alors partie avec Vevey des cités réfractaires au changement et à un plus grand partage du pouvoir. Les grandes familles historiques qui ont gouverné la cité tiennent à garder leurs privilèges et leur influence.
Les élections communales du printemps 1848 se déroulent de manière si tumultueuse que les résultats sortis des urnes sont contestés : la ville est mise sous régie du Conseil d’Etat pendant quelques semaines.
On voit que ce n’est pas d’aujourd’hui que le climat politique à Yverdon est polarisé entre gauche et droite – la gauche étant alors radicale.
Du côté de la Confédération, à la sortie de la guerre civile du Sonderbund, qui a vu s’opposer les cantons conservateurs aux cantons plus progressistes, on a décidé de se doter d’un nouveau pacte. En quelques semaines, une nouvelle constitution est écrite.
Pour arbitrer le conflit entre ceux qui veulent avancer vite et de manière centralisée, tout en ne froissant pas les cantons soucieux de leur souveraineté, on prévoit un Conseil national et un Conseil des Etats. Un Conseil fédéral, de sept personnes, est institué. Le droit de vote est reconnu aux hommes adultes, il n’y a plus de limitation au droit de vote dues à la capacité financière des individus ou à l’origine cantonale.
La constitution de 1848 accorde le droit de référendum. Le droit d’initiative viendra plus tard, en 1891.
La question du droit de vote et d’éligibilité des femmes n’a pas été abordée, pendant les travaux des constituants. Les figures féminines ne sont alors convoquées que sous forme d’allégories : Helvetia qui orne la monnaie et Libertas, image de la liberté, qui renouvelle celle de Guillaume Tell. Il faudra attendre 123 ans pour que les Suissesses soient reconnues comme des citoyennes à part entière.
Revenons à Yverdon. Notre Ville compte à l’époque un peu plus de 3500 habitants.
Le vote sur le projet de nouvelle constitution fédérale se tient le samedi 2 septembre 1848. Le Registre des assemblées primaires 1798-1878, conservé aux archives de la Ville, nous donne les indications suivantes :
- à 08h l’assemblée électorale de la commune d’Yverdon se réunit au temple pour procéder à la votation sur l’acceptation ou le rejet du projet de constitution fédérale.
- Le nombre de citoyens ayant le droit de vote est de 773, dont 619 Vaudois et 154 Confédérés.
- L’assemblée est divisée en 2 bureaux. A cinq heures les scrutins sont déclarés clos et les bureaux procèdent au dépouillement.
- Résultats finaux : 316 votants. 257 voix pour le projet de constitution et 59 contre.
Dans le canton de Vaud, le oui au nouveau texte est enthousiaste : 82%. Il est vrai que Vaud fait partie des cantons moteurs de cette Suisse radicale.
Dans les autres pays, les aspirations démocratiques sont contrariées, les contestations sont domptées. La réussite helvétique de 1848 doit donc être soulignée. Au cœur d’une Europe gouvernée par les pouvoirs monarchiques émerge une République, dotée d’une constitution que le peuple s’est accordée à lui-même.
Nous pouvons être fiers de ce passé. La Suisse est sortie d’une guerre civile, le Sonderbund, par le haut, en se dotant d’institutions ménageant les équilibres entre les régions, et garantissant aux minorités qu’elles ne seraient pas opprimées par la majorité.
Ces principes de base ont été solides, nous vivons toujours des acquis de cette performance historique et constitutionnelle. Même si le texte de 1848 a été révisé plusieurs fois.
En se penchant sur notre histoire, celle de 1291 et celle de 1848, nous voyons apparaître des lignes de force : s’allier, s’entraider, respecter nos différences, équilibrer nos ambitions forcément diverses pour aller de l’avant ensemble. (…) »
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